LA COULEUR DES MOTS
Il est des carrières de haute réputation, d'où l'on détache, depuis des siècles, un marbre noble qui recèle tout un monde de beauté, de Dieux, de Déesses, de Nymphes et de Reines, un monde d'aventures mythologiques sauvages et violentes, pour peu qu'un sculpteur inspiré sache rêver en lui.
Il est des carrières abandonnées aux friches, sans titre nobiliaire, qui abritent encore les rêves des promeneurs.
On ne travaillait pas, à Périgneux, au marbre du Laocoon mais on taillait des cubes de granit qui partirent paver les artères de grandes villes.
S'ils ne portaient pas nom, Athénoros ou Polydoros ..., ils étaient Julien et Barthélemy ..., venant de la Creuse et firent souche à Périgneux.
Enfant, je me souviens de pique-niques dans les carrières, des œufs durs, de la salade de tomates, et du jambon, du vrai, pas en plastique.
Il y avait, un peu plus bas, une ancienne forge éventrée, avec, encore, un grand soufflet en cuir.
Les trois cents carriers de la grande époque ont fait place à des pins sylvestres, partout prenant racines, comme une horde d'assaillants, agrippés au moindre ressaut, vers la lumière.
Comme ils nous ressemblent ces arbres.
Des éboulements ont arraché de vieux solitaires qui pendent, racines au vent.
Des éboulis se sont bloqués sur des troncs en rang serré, courbant la base de jeunes arbres, qui se redressent vers leur part de lumière, comme une personne malmenée par la vie qui plie et ne rompt pas.
Au milieu d'eux, si droits, si résistants, on est de retour à la maison, à sa place dans le calme du monde.
Mais les couleurs de tes tableaux, ces jaunes éclatants, ces rouges Brueghel, ces violets ... ?
On parle avec les arbres, sans bruit, et leurs mots ont les couleurs de mes toiles.