UNE VISITEUSE NOUS ÉCRIT :
Le livre d'or recèle des pépites :
"Dès l'entrée, on est accueilli par un hommage au lieu qui permet cette exposition "Trois Regards" : l'emblème de Rochetaillée décliné de trois manières très différentes. Le ton est donné.
Par le biais de l'accrochage, la cohabitation de ces trois démarches artistiques permet à chacune de se distinguer, sans rivalité, parfois en s'éclairant mutuellement.
Les oeuvres figuratives d'Anne Marie REYNAUD fixent le quotidien sur la toile : vieilles bâtisses en pierre, animaux familiers ou pas, souvenirs colorés, perspectives sur la ville ou la nature...
Parmi tous ces tableaux, il a fallu choisir pour commenter !
Plusieurs visiteurs, avec moi, ont admiré un bouquet d'épis dont la finesse d'exécution capte le regard. Un dégradé de roses très délicat pour des fleurs peintes au couteau m'a aussi séduite.
Enfin, un village niché sur la pente d'une colline, oeuvre présentée sur un chevalet, m'a particulièrement accrochée : l'artiste s'est orientée vers une simplification cubique des formes au sein d'une nature suggérée par le fondu des couleurs.
Avec ANOUCH, on passe dans la puissance du geste, la recherche, la confrontation des "outils" utilisés. Elle propose, à l'étage, un ensemble d'oeuvres narratives.
Deux oeuvres de cette série m'ont particulièrement troublée :
Le visage si doux d'une femme, Athénaïs qui vient aussi d'Athéna, déesse quelque peu guerrière..., insérée dans la brutalité de coups de crayons, de touches de peinture violentes et débordantes qu'un cadre bleu cherche à contenir malgré tout. Un tableau de "femmes" : celle de la mythologie, flouée, et l'artiste vengeresse ...
La pureté d'un visage aux traits délicats, le regard captivant d'un petit garçon d'autrefois, cerné par un chaos de noir et de gris, fortement empreint des traces de pinceau. Pour ma part, l'histoire qu'il m'a inspirée était violemment triste. Question d'état d'esprit du moment... m'a dit Anouch.
Ne pas manquer le réjouissant quadriptyque de la pièce en sous-sol : une oeuvre à la mesure du geste ample de l'artiste, placé en contraste à côté de petits tableaux délicats, réalisés à la cire d'abeille et pigments, technique réputée complexe et difficile.
Jean VALETTE, présente, lui aussi, plusieurs aspects de son art. De son ancienne "manière", il reste les tableaux de la salle d'accueil. On y retrouve la délicatesse du trait, la prise de vue souvent surprenante, les couleurs subtiles auxquelles nous étions nombreux à être sensibles, dans ses oeuvres précédentes. Ici, les thèmes retenus par le peintre semblent évoquer une forme de rupture avec la sérénité : arbres qui tombent, espace minéral où la nature reprend ses droits...
Dans les autres salles, son nouveau style pictural m'a un peu cueillie à froid, même si la peinture de l'entrée, Tour blanche sur fond ensoleillé, annonce déjà LE changement.
Une fois la perplexité passée, mes yeux et mon esprit se sentant tout chamboulés dans leur confort habituel, le talent de l'Artiste a encore frappé, en particulier dans la salle du bas : une série de "Ponts rompus", peints avec une matière brillante, épaisse, colorée. Le symbole du lien, de la relation aux autres, brisé, disparaît sous la masse d'une peinture mosaïque qui contribue à le déstructurer. Mais, contradictoirement, mille lueurs éclairent les tableaux : couleur d'or, de rouge luisant, de vert pastel brillant, comme dans les cités d'or dépeintes autrefois. Comme si cet acharnement à faire jaillir la matière lumineuse compensait la désespérance du sujet choisi.
Autre tableau qui a interpellé plus d'un visiteur, par son thème et sa structure : La Vanité, qui se multiplie, sombrement dans une matière rugueuse, où n'essaie de surgir que le blanc macabre des dents. Est-ce que la trivialité des substances alimentaires inclues dans la pâte ou la proximité, en oxymore, des grands squelettes délicats et parfois ironiques d'Anouch, adoucissent son pessimisme et lui donnent une touche d'humour ? J'hésite".
Texte, Danièle M.