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NOIR DE BOUGIE
18 mars 2024

UNE HISTOIRE DE FAMILLE

C’est une histoire de famille, une histoire que l’on raconte de génération en génération, de grand-mères à petits enfants. Mais comme les mères au fourneau transmettent à leur fille une recette de cuisine qui se modifie au fil des générations, chacune lui apportant son tour de main, ajoutant un ingrédient secret, supprimant un composant " qu’on ne trouve plus ", s’adaptant au goût du jour et  aux goûts de ses invités, cette histoire de famille telle que je l’ai entendue enfant de ma grand-mère n’a peut-être qu’un lointain rapport avec la réalité qui la fit naître. Moi-même je n’ai retenu que ce qui me touchait, et depuis, inconsciemment, j’ai rempli les vides avec ma propre histoire, mes sentiments changeant comme girouette, année après année. Parfois je me demande même si cette histoire s’est déroulée dans ma famille ? Si quelque bisaïeule romantique ne l’a pas lue, inventée, rêvée peut-être et incorporée naturellement à notre histoire.
Pour seule et bien contestable preuve une très ancienne photographie minuscule et passée aujourd’hui perdue ! d’une maison imposante dont la façade est recouverte de blocs de pierres noires.
Venons en à l’histoire, elle est courte et triste.
Claudia, c’est le nom de l’héroïne, celui que me contait ma grand-mère lorsque j’étais  enfant. À la fin de sa vie elle ressassait cette histoire, ayant perdu tout autre souvenir, mais alors elle l’appelait Louise. Je la nommerai Iris pour les vers de Jean Lorrain :

Oh ! les grands iris odorants,
Les  grands iris noirs de ténèbres.

Iris, encore jeune, d’une mélancolique beauté, les yeux brillants et fauves, s’habillait couleur d’automne, tissu crissant comme feuille morte. Elle aima pour la première fois, une personne indigne de cet amour trop vibrant, trop exclusif. Peut-être n’aima-t’elle que l’idée d’aimer qui n’admet ni désenchantement ni  compromis ?
Trompée, bafouée, ignorée, elle s’enfuit. Elle acheta au diable vauvert une maison massive au milieu d’un parc assombri de cèdres  millénaires. Elle en fit recouvrir la façade, visible de la grille, d’un placage de grandes pierres noires scellés, irrégulières, comme une carapace funèbre. Elle ne sortit plus de ce mastaba. Parfois les promeneurs apercevaient sa silhouette à la fenêtre, toujours élégante, pour elle seule, pour l’idée encore vivante qu’elle se faisait de son amour mort.
Voici une histoire de ma famille comme je la transmets à mon tour, sans illusion sur l’exactitude des détails, sans certitude sur sa réalité, une histoire tissue de noir, et parsemée de larmes d’argent.

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